Jusque fin 2015, le centre hospitalier du Cateau-Cambrésis met les bouchées doubles dans la lutte contre un véritable «fléau» de santé publique : le syndrome d’alcoolisation fœtale. Trois services sont mobilisés dans le cadre d’un projet pilote qui pourrait, s’il est concluant, être étendu à toute la France.

Quoi de plus rageant, quand on dirige un centre d’accueil médico-social précoce, que d’y accueillir des enfants frappés d’un handicap évitable à 100 % ? Depuis de longues années, le pédiatre caudrésien Jean-Marc Buziau bataille pour mieux faire connaître, et donc prévenir, le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF), véritable fléau dans le Nord – Pas-de-Calais tout particulièrement (lire ci-dessous). Semblerait-il que l’Agence régionale de santé veuille mettre l’accent sur cette problématique de santé publique puisqu’elle finance, pour 165 567 €, un projet pilote dans le cadre du contrat local de santé de la communauté de communes du Caudrésis-Catésis.
« Handisaf », tel est le nom de ce projet « qui essaie de créer une meilleure prise en charge à la fois de la femme enceinte qui s’alcoolise et des bébés », précise Vincent Vanderpotte, chef du pôle addictologie du centre hospitalier du Cateau-Cambrésis. Pôle addictologie qui, pour porter ce projet, unit ses forces avec celles de la maternité Francis-Hottier du Cateau et du CAMSP de Caudry, tous deux dirigés par le Dr Buziau. Deux professionnels qui partagent une même « révolte » contre ce « fléau ». Et qui se sont donné, avec des services enthousiastes, les moyens de le combattre encore plus efficacement, « dans tous ses versants ».

Information dès le collège

Et le plus tôt possible. Ainsi, c’est dès le collège que s’opère la campagne d’information visant le grand public. À destination de celles qui seront un jour mères comme de celles et ceux qui les côtoieront. « Sur ce point, l’entourage aussi peut être toxique », sait Jean-Marc Buziau.
Deuxième strate de la prévention, les professionnels de santé. Parfois gênés aux entournures par ce tabou que constitue la consommation d’alcool pendant la grossesse. « Parler d’alcool avec les femmes enceintes, ce n’est jamais simple, soupire le pédiatre. Il faut que ça devienne automatique. Là, on aura fait un énorme progrès dans la prévention du SAF. » Une soirée d’information va être organisée et un courrier de sensibilisation transmis aux professionnels. Des sessions de formation seront également mises en place pour optimiser le repérage précoce et le dépistage des facteurs de risque.

Dernier plan du projet : la prise en charge des cas à risques. La coopération entre ces trois pôles que sont la maternité, le service d’addictologie et le CAMSP a pour but de suivre les futurs parents du mieux possible. Et le plus vite possible, à la différence des autres cas d’addiction, car « On a neuf mois pour agir ».
En dernier recours, le CAMSP peut prendre en charge, le plus tôt étant le mieux, les petits atteints de SAF pour travailler, « malgré les difficultés, à les intégrer dans une vie sociale ordinaire ». Actuellement, vingt pour cent des enfants qui y sont suivis relèvent du syndrome d’alcoolisation fœtale.

Certaines des actions mises en place dans le cadre de Handisaf étaient déjà d’actualité sur le territoire, mais à moindre échelle. L’attribution de ce projet pilote, à la faveur de la visite du directeur général de l’ARS au pôle de santé du Cateau, en 2014, est une belle reconnaissance pour ces professionnels de longue date engagés dans la lutte anti-SAF. Si leurs armes s’avèrent efficaces, leur plan de bataille pourrait être déployé à l’échelon national.

« Au centre d’accueil médico-social précoce, on voit de nombreux enfants atteints de ce handicap, et pour lesquels on sait qu’on ne pourra pas faire grand-chose… sinon offrir la vie la plus noble possible à l’enfant et à sa famille », souffle Jean-Marc Buziau. Énonçant les symptômes du syndrome d’alcoolisation fœtale : « une dysmorphie faciale, un gros retard intellectuel, de gros troubles du comportement ». Un handicap qui, pour chaque enfant qui en est victime, coûte tout au long de sa vie « 4 millions d’euros à la société ».
Vincent Vanderpotte distingue deux types de comportement pouvant mener à des SAF : l’alcoolisation ponctuelle, qui concerne «souvent plutôt des jeunes femmes sur un mode festif ou familial, souvent des primipares mal informées sur les problèmes liés à l’alcoolisation fœtale. Il faut vraiment qu’on arrive à leur fournir des informations sur les risques, de bonnes raisons pour qu’elles arrêtent.» Puis, il y a « les femmes qui sont malades alcooliques, avec une véritable addiction à l’alcool. Ce sont souvent des femmes plus âgées, qui ont déjà des enfants qui ont eu le même problème. On est alors face à une consommation quotidienne d’alcool, avec un risque de SAF à 100 %. »
En pareil cas, « il y a urgence fœtale », insiste le Dr Vanderpotte. Urgence donc pour le professionnel, quel qu’il soit, qui identifie le problème, d’envoyer la personne le plus rapidement possible en consultation. » « C’est une course contre la montre », assène Jean-Marc Buziau. Rappelant que s’il n’est pas possible de remédier aux dégâts déjà engendrés, l’arrêt de l’alcool ne peut être que bénéfique à l’enfant à naître : « Un verre gagné, c’est une fonction préservée ».

« La prévalence de l’alcoolisation fœtale est dix fois plus importante dans notre région que la moyenne nationale. Le Nord – Pas-de-Calais est la deuxième région la plus touchée après l’île de la Réunion », souligne Jean-Marc Buziau.
Au-delà des cas estampillés « syndrome d’alcoolisation fœtale », qui touchent trois naissances pour mille en France (3 % dans la région), on estime plus généralement que les troubles liés à l’alcoolisation fœtale concernent chaque année 1 % des naissances sur le territoire national. Les enfants concernés présentant bien souvent des troubles du comportement ou des apprentissages qu’on ne pense pas forcément à attribuer à la consommation d’alcool pendant la grossesse…

Par Hélène Harbonnier
VOIX DU NORD.FR – PUBLIÉ LE 26/02/2015
http://www.lavoixdunord.fr/region/sante-face-au-syndrome-d-alcoolisation-foetale-le-ia14b45240n2682298