Le syndrome d’alcoolisation foetale

L’alcoolisme touche en France 2 millions de personnes, dont approximativement 600 000 femmes. Pendant la grossesse, 5 % des femmes consomment trois verres d’alcool en moyenne par jour, ce qui constitue déjà un danger pour l’enfant à naître. En France on estime que « L’Ensemble des Troubles Causés par l’Alcoolisation fœtale (ETCAF) » touchent 1% des naissances, c’est-à-dire 7 000 nouveaux enfants chaque année. Cela signifie qu’environ 500 000 Français souffrent à des degrés divers des séquelles de l’alcoolisation fœtale. On estime en effet que dans les pays industrialisés, 1 à 3 enfants sur 1000 sont atteints du Syndrome d’Alcoolisation Foetale (SAF) à la naissance, tandis que le taux d’enfants touchés par les Effets de l’Alcool sur le Fœtus (EAF) (difficultés d’apprentissage scolaire et d’insertion sociale) pourrait être beaucoup plus élevé, de l’ordre de 10 pour 1 000 naissances.

QUAND LA MERE BOIT, LE FOETUS TRINQUE!

Le fœtus boit ce que sa mère boit

L’alcool consommé par la future maman passe directement par simple diffusion à travers le placenta. Une demi-heure à une heure après l’absorption, l’alcoolémie maternelle et l’alcoolémie fœtale sont équivalentes. Cet alcool passe ensuite dans le foie du fœtus. En raison de son immaturité enzymatique, ce dernier n’est pas capable de dégrader l’alcool pour l’éliminer. L’élimination de l’alcool sera donc 2 à 3 fois plus longue que chez l’adulte.

L’alcool est toxique pour le fœtus

L’alcool entraîne une diminution des échanges foeto-maternels par spasme des vaisseaux sanguins, ce qui entraîne une souffrance fœtale voire une mort in utero.
L’alcool a par ailleurs une toxicité directe sur les tissus en formation, on parle d’effet tératogène. Le risque d’atteinte neurologique irréversible est fonction de la dose reçue par le fœtus, de la durée et de la période d’exposition. Si l’alcool est particulièrement nocif pendant la période d’organogenèse, c’est à dire pendant le premier trimestre de la grossesse, sa toxicité s’exerce tout au long de la grossesse, retentissant ainsi sur la croissance globale du fœtus ainsi que sur le développement cérébral, le cerveau étant l’organe le plus vulnérable de l’organisme. Une fois constituées, les lésions sont définitives.

DEUX TABLEAUX CLINIQUES POSSIBLES

Il s’agit d’une expression utilisée pour désigner les enfants présentant une partie des anomalies liées à l’alcoolisation de la mère pendant sa grossesse, parfois seulement avec de petites quantités d’alcool. Les troubles neuro-comportementaux que présentent parfois les enfants avec des EAF peuvent être aussi sévères que ceux rencontrés dans la forme typique du SAF, mais ils se manifestent souvent secondairement. Ainsi, l’enfant paraîtra souvent normal à la naissance.
Seuls pourront être notés :
>> un retard discret de croissance ou un simple ralentissement
>> le plus souvent, pas de malformations ou des malformations mineures
>> mais pratiquement toujours apparaîtront au cours des premières années des troubles de l’apprentissage et du comportement à l’origine d’un retard scolaire et de difficultés d’insertion sociale

Le syndrome d’alcoolisation fœtale a été décrit pour la première fois en 1968 par Lemoine qui avait identifié, chez les enfants de femmes ayant consommé des quantités importantes d’alcool pendant leur grossesse, des anomalies morphologiques du visage : fentes palpébrales courtes (petits yeux), faciès aplati, lèvre supérieure mince et sillon naso-labial plat ou lisse. Ces enfants présentaient par ailleurs un retard de croissance ainsi que des troubles du comportement et de la cognition.
Aujourd’hui, le diagnostic de SAF chez un enfant repose sur l’association des critères suivants, dans un contexte d’alcoolisation de la mère pendant la grossesse :
>> retard de croissance
>> atteinte du système nerveux central (anomalies neurologiques, retard de développement, troubles du comportement, troubles cognitifs ou autres déficits intellectuels)
>> traits faciaux caractéristiques

En France, le SAF représente la première cause de retard mental non génétique.

Le retard de croissance persiste. Dans les formes sévères, il est majeur et désespérant même en présence d’une alimentation correcte et de soins adaptés. Le rattrapage à l’adolescence et à l’âge adulte ne sera que partiel pour la taille, plus appréciable pour le poids. Le volume crânien restera très inférieur à la normale et ce d’autant plus, que l’alcoolisation maternelle aura été importante pendant la grossesse. Les malformations vont parfois nécessiter une intervention chirurgicale au cours des premières années. Les troubles neurologiques persistent, voire apparaissent, même chez les enfants qui paraissaient peu atteints en période néonatale.
A l’adolescence et chez l’adulte, les troubles du comportement prédominent : Réussite scolaire et professionnelle sont compromises. Chez ces enfants influençables, les actes de petite délinquance sont fréquents par manque de jugement ou à cause de leur impulsivité. Ils sont facilement déprimés. Les plus touchés vivent en institutionnalisation : 15 à 20% se retrouvent dans des collectivités pour handicapés mentaux. Près de la moitié consomment de l’alcool et/ou des drogues.

UNE TRAGEDIE EVITABLE

L’exposition prénatale à l’alcool représente donc un facteur de risque pour le bébé à naître à tous les stades de la grossesse.
Ce risque est commun à toutes les variétés de boissons alcoolisées et existe même lors des consommations ponctuelles.
En effet, on ne connaît pas la dose minimale au-dessous de laquelle il n’y aurait aucun risque pour le fœtus. S’il est admis que le tableau typique de SAF (avec retard de croissance sévère, microcéphalie, malformations et retard mental) correspond à une alcoolisation régulière supérieure à 2 verres/j ou à des alcoolisations aiguës supérieures à 4 verres en une occasion, il est actuellement également prouvé que mêmes des petites quantités d’alcool peuvent engendrer des lésions neurologiques chez le fœtus. Les spécialistes estiment aujourd’hui que le risque apparaît dès le premier verre : c’est la raison pour laquelle, pendant la grossesse, il faudrait maintenir une abstinence stricte.
Un dépistage et une prise en charge précoces : deux enjeux majeurs.

L’identification précoce du SAF ou des EAF est une étape importante pour comprendre la cause première des problèmes du comportement et d’apprentissage d’un enfant. C’est la clé pour définir l’intervention mais aussi prévenir d’autres naissances affectées par les mêmes problèmes.

Faciliter l’accès à des interventions précoces et appropriées permet d’atténuer un grand nombre des problèmes physiques, affectifs, sociaux et éducatifs, auxquels font face les enfants atteints du SAF ou des EAF.

Dépister l’alcoolisme maternel c’est reconnaître la souffrance de la femme, c’est vaincre sa pudeur et son déni, c’est réduire sa culpabilité, c’est engager et entretenir avec elle un dialogue long et difficile.

Puisque l’alcool, même en petites quantités, peut avoir des conséquences néfastes sur l’enfant à naître, il est aujourd’hui indispensable de sensibiliser toutes les femmes à ses méfaits, idéalement avant la conception.