Politiques d’étiquetage de l’alcool : la plupart des pays sont à la traîne en matière de promotion de choix plus sains

08-06-2020

safoiSelon un nouveau rapport, l’étiquetage des boissons alcoolisées n’est pas cohérent ni même à l’étude dans de nombreux pays de la Région européenne de l’OMS. Le nouveau rapport de synthèse du Réseau des bases factuelles en santé (HEN) sur l’étiquetage des boissons alcoolisées dans la Région est la première enquête systématique sur les différentes méthodes utilisées dans les pays en matière d’étiquetage des boissons alcoolisées, et présente des options politiques à l’intention des autorités.

Le consommateur a le droit de savoir

L’étiquetage des boissons alcoolisées, une pratique recommandée par l’OMS, n’est pas obligatoire dans de nombreux pays de la Région. Or, ce manque d’informations essentielles est préoccupant. On mérite tous, en effet, de connaître le contenu des boissons alcoolisées et les risques éventuels liés à leur consommation. Il s’agit là d’exigences minimales pour prendre des décisions en connaissance de cause.

Ceci est particulièrement important dans la Région européenne qui présente les niveaux de consommation d’alcool les plus élevés au monde, la plus forte proportion de troubles liés à l’alcool et la plus forte mortalité imputable à l’alcool dans la population – environ 10 % des décès toutes causes confondues. En 2016, la consommation d’alcool a été à l’origine de plus de 900 000 décès dans la Région, et d’environ 3 millions de décès dans le monde.

La consommation d’alcool augmente le risque de cancer, d’accident vasculaire cérébral, de maladie cardiaque et de maladies transmissibles, et affaiblit le système immunitaire. En outre, une consommation importante d’alcool augmente le risque de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), l’une des complications les plus graves de la COVID-19. L’alcool est également associé à des traumatismes, à des actes de violence et à toute une série de troubles mentaux, notamment la dépression et l’anxiété.

Des règles plus strictes pour l’industrie dans les pays non membres de l’Union européenne

« Le rapport du Réseau HEN révèle que dans les pays ayant permis aux fabricants de procéder à une auto-réglementation de leur politique d’étiquetage, les pratiques dans ce domaine sont, dans l’ensemble, médiocres et ne fournissent pas suffisamment d’informations aux consommateurs », a déclaré Carina Ferreira-Borges, cheffe du programme Alcool et drogues illicites à l’OMS/Europe.

Pour formuler une législation efficace sur l’étiquetage, il faut envisager l’apposition d’informations sanitaires, nutritionnelles et relatives à la composition ; veiller à ce que les messages soient présentés selon les règles ; et procéder à un suivi et à une évaluation en toute indépendance des politiques mises en œuvre.

Selon le rapport du Réseau HEN, si les pays non membres de l’Union européenne respectent les recommandations formulées dans le document de travail de l’OMS sur les options politiques en matière d’étiquetage de l’alcool dans plus d’un tiers des cas (36 %, 8 pays au total), 1 seul pays de l’Union européenne se conforme pleinement aux mêmes recommandations.

« Il y a beaucoup à faire pour que les politiques adoptées dans la Région européenne de l’OMS en matière d’étiquetage de l’alcool s’alignent sur les pratiques recommandées par l’OMS. Il existe néanmoins quelques exemples positifs », a ajouté Carina Ferreira-Borges. « Les États non membres de l’Union européenne ont tendance à appliquer des règles plus strictes. En outre, contrairement à l’Union européenne, certains d’entre eux ont déjà adopté un cadre juridique multinational sur l’étiquetage. Il est manifeste que les responsables politiques peuvent apporter un changement indispensable, susceptible de s’avérer très bénéfique pour la santé des populations. »

Actuellement, seuls 17 % des États membres européens disposent d’une législation exigeant des fabricants d’alcool qu’ils fassent figurer simultanément sur les étiquettes les ingrédients, les valeurs nutritionnelles ainsi que des informations sanitaires. Au total, 40 % possèdent une législation sur l’énumération des ingrédients, 28 % sur l’apposition d’informations sanitaires ou d’avertissements sur les produits alcoolisés, et 19 % sur la mention des valeurs nutritionnelles.

Exemples positifs d’étiquetage

Selon le rapport du Réseau HEN, un certain nombre d’États membres prennent actuellement conscience de la nécessité de mener des politiques plus actives afin de réglementer les pratiques d’étiquetage.

L’expérience de l’Union douanière eurasienne (UDE) (Bélarus, Fédération de Russie et Kazakhstan) donne des indications précieuses sur la manière dont une approche multigouvernementale efficace de l’étiquetage de l’alcool peut harmoniser différents systèmes législatifs. L’UCE a adopté 3 réglementations techniques qui obligent les fabricants à mentionner les ingrédients et les valeurs nutritionnelles sur les étiquettes des produits alimentaires et des boissons alcoolisées. En 2019, ces 3 séries de réglementations techniques ont toutes été finalisées. Les résultats de cette politique doivent maintenant être évalués par un audit indépendant.

La France a adopté une législation rendant obligatoire l’apposition, sur toutes les boissons alcoolisées, d’un avertissement contre la consommation d’alcool pendant la grossesse. Les autorités françaises ont inscrit cette réglementation dans le cadre d’une stratégie plus large de sensibilisation aux méfaits de la consommation d’alcool pendant la grossesse. Des études menées récemment à ce sujet révèlent déjà une amélioration de la sensibilisation du public. Le ministre français de la Santé a annoncé la prise d’une mesure visant à améliorer la visibilité du logo de grossesse dans le Plan national de santé publique pour 2018-2022.

La Fédération de Russie a adopté des réglementations plus strictes sur l’étiquetage de l’alcool. Le processus global d’adoption de la législation s’est divisé en demandes et exigences de moindre envergure. La loi fédérale russe n° 171 sur la production et la circulation de l’alcool (qui réglemente également l’étiquetage de l’alcool) a été adoptée pour la première fois en 1995, mais a depuis été modifiée plus de 40 fois. Cette stratégie progressive a aidé le pays à réaliser des avancées dans ce domaine, et à s’aligner sur les recommandations de l’OMS.

Pour se conformer avec succès au Plan d’action européen de l’OMS visant à réduire l’usage nocif de l’alcool 2012-2020 et à la Stratégie mondiale de l’OMS visant à réduire l’usage nocif de l’alcool, les pays de la Région doivent envisager d’adopter des options politiques d’étiquetage à la fois strictes et globales. Le rapport du Réseau HEN fournit des informations complètes et actualisées qui sont essentielles pour les responsables politiques.

L’étude a été réalisée avec le soutien financier du gouvernement allemand, du gouvernement norvégien et du gouvernement russe dans le cadre du Bureau européen de l’OMS pour la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles.

https://www.euro.who.int/fr/health-topics/disease-prevention/alcohol-use/news/news/2020/06/alcohol-labelling-policies-most-countries-lagging-behind-in-promoting-healthier-choices