L’affabulation est une anomalie couramment observée chez les personnes atteintes de troubles causés par l’alcoolisation fœtale (TCAF). Succinctement, elle peut être définie comme la communication non intentionnelle de mensonges, d’informations incomplètes et d’omissions, sans intention de tromper.

L’affabulation, parmi l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale (ETCAF), peut conduire à une foule de conséquences judiciaires pénales (par exemple, de faux aveux, de faux témoignages, une suggestibilité aux interrogatoires, des condamnations injustifiées et l’emprisonnement qui en découle). Les conséquences pénales liées à l’ETCAF peuvent également entraîner une diminution de la compréhension des droits « Miranda » (1) concernant la diminution de la capacité à comprendre les accusations criminelles, et une diminution de la compréhension de la procédure.

(1) Les droits Miranda (Miranda rights) et l’avertissement Miranda (Miranda warning) sont des notions de la procédure pénale aux États-Unis dégagées par la Cour suprême des États-Unis en 1966 dans l’affaire Miranda v. Arizona. Ces droits se manifestent par la prononciation d’un avertissement lors de l’arrestation d’un individu, lui signifiant notamment son droit à garder le silence et le droit de bénéficier d’un avocat. Le recours systématique à cet avertissement par la police et sa portée symbolique font que sa présence dans de nombreux films et téléfilms américains ont contribué à sa diffusion mondiale et à sa notoriété.

Les professionnels de la justice pénale sont fréquemment susceptibles d’entrer en contact avec des personnes atteintes de TCAF. Cela peut être en partie liée à leurs déficits dans le comportement adaptatif et les fonctions exécutives, lesquels ne sont pas forcément liés au QI. Le nombre exact de personnes atteintes de TCAF actuellement dans le système de justice pénale est inconnu. Cependant, il est clair que l’ETCAF constitue un problème important pour le système de justice pénale. Les taux de prévalence en milieu correctionnel vont de 10 % à 24 % dans deux études distinctes. Un examen des données canadiennes a révélé que ceux atteints d’ETCAF étaient 19 fois plus susceptibles d’être incarcérés par rapport aux individus non atteints. Une autre étude aux États-Unis a révélé que 60 % des sujets atteints d’ETCAF âgés de plus de 12 ans avaient eu affaire avec la justice pénale. Les chercheurs d’une autre étude ont constaté que cette population était 40 fois plus susceptible d’être impliquée dans le système de justice pour mineurs.

Les éléments essentiels de la procédure judiciaire peuvent être difficiles à comprendre par les sujets atteints de TCAF. Les déficits associés à au diagnostic de TCAF peuvent affecter la capacité à comprendre leurs droits « Miranda », les procédures de l’interrogatoire policier, et l’ensemble de la procédure judiciaire. Les déficits associés de l’ETCAF peuvent également contribuer à l’affabulation au cours des différentes phases de la procédure judiciaire. Les professionnels de la justice pénale doivent être conscients que, lorsqu’ils interrogent quelqu’un atteint de TCAF, celui-ci peut fournir à son insu des informations inexactes et des déclarations contradictoires.

Les déficits des fonctions exécutives (en français courant : déficits intellectuels) sont fréquemment observés chez les personnes atteintes de TCAF. Ils peuvent avoir des effets dévastateurs sur l’individu et sa capacité à comprendre ou à communiquer. Ces déficits favorisent l’affabulation. L’exposition prénatale à l’alcool est associée à des déficits neuropsychologiques étendus qui peuvent augmenter l’implication dans des affaires judiciaires pénales. Ces déficits peuvent contribuer à accroître la vulnérabilité, la victimisation et la récidive. Les déficits liés aux TCAF ont des conséquences sur le fonctionnement quotidien : l’intelligence générale, la mémoire, le langage, l’attention, l’apprentissage, l’orientation visuospatiale, la motricité fine et globale, le fonctionnement social adaptatif, l’apprentissage verbal et non verbal.

L’affabulation est l’un des nombreux problèmes qui peuvent survenir à la suite des dommages cérébraux causés par l’exposition prénatale à l’alcool. L’affabulation n’est pas identique au mensonge. Elle se traduit par un large éventail d’erreurs de mémorisation : distorsions et fausses réalités d’événements, embellissements involontaires, construction de fausse mémoire ou interprétation de mémoire partielle. L’affabulation des individus atteints de l’ETCAF peut créer des problèmes juridiques divers au cours d’une action en justice pénale. Malheureusement, les professionnels sont rarement au courant de la nature de l’affabulation et des facteurs qui contribuent à cette conséquence secondaire de l’ETCAF. Les sujets atteints de TCAF et mis en examen sont très exposés à une erreur judiciaire. De plus, les personnes atteintes de TCAF et témoins d’un crime peuvent rapporter de manière incorrecte les détails d’un événement. Les professionnels de la justice pénale doivent être conscients de la possibilité d’affabulation et des conséquences qui peuvent en découler pour les personnes atteintes de TCAF impliquées dans une procédure pénale.

Conclusion

Les conséquences liées à l’ETCAF peuvent contribuer à une foule d’effets indésirables en rapport avec la justice pénale. Les sujets atteints de TCAF sont susceptibles d’affabuler, n’ont pas une compréhension adéquate de « Miranda » et des droits constitutionnels, et comprennent mal le déroulement de la procédure. L’affabulation peut être l’indicateur d’une déficience cognitive profonde. Les professionnels de justice pénale doivent être conscients que, lors des entretiens, les justiciables atteints de TCAF peuvent à leur insu fournir des informations inexactes et des déclarations contradictoires. En tant que telle, l’affabulation peut grandement influer sur les décisions judiciaires. Les professionnels bien intentionnés peuvent, par ignorance, ne pas reconnaître les signes de l’affabulation. L’affabulation peut conduire à établir un crime qui n’a pas été commis. L’identification et la connaissance d’une affabulation au cours de la procédure peuvent empêcher l’arrestation arbitraire, la condamnation et l’incarcération subséquente d’un individu innocent.

Jerrod Brown, MA, MS, MS, MS, is the Treatment Director for Pathways Counseling Center Inc. Pathways provides programs and services benefitting individuals impacted by mental illness and addictions. Mr. Brown is also the founder and CEO of the American Institute for the Advancement of Forensic Studies (AIAFS).
Pamela Oberoi MA, is currently the Manager of the Refugee Mental Health Program at Pathways Counseling Center.
Jeffrey Long-McGie, MA, MBA, is a Research Fellow at the AIAFS, and currently training to become a licensed police officer.
Judge Anthony (Tony) Wartnik, BA, JD, was a trial judge for 34 years in King County, Washington.
Erv Winkauf, MA, is a retired 40-year law enforcement veteran with 19 years of teaching experience. He currently serves as Chairperson of the Concordia University Criminal Justice Department in St. Paul.
Sarah Herrick, MA, LP, LPCC, CCFC, has worked with sexual abusers ranging in age from ten to elderly since 1991 in residential, community mental health, and prisons settings. Currently she is working with civilly committed sex offenders.