On a vu apparaître en 2012 une tentative de banalisation de la consommation d’alcool pendant la grossesse de la part de scientifiques, rapidement relayée par les journalistes avec parfois l’oubli de toute prudence.

C’est ainsi que le CRAT (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes) tout en recommandant « l’option zéro alcool et une analyse au cas par cas » nous affirme (sans citer sa source) :

Equipe de SAF Océan Indien

« En dessous de 2 unités d’alcool par jour, ou moins de 1 binge drinking par semaine : la fréquence globale des malformations n’est pas augmentée.
Les études sur des effectifs très importants (plus de 15 000 enfants), semblent, dans l’ensemble, écarter un retentissement neuro-comportemental de ce type de consommation maternelle d’alcool chez les enfants évalués à un âge de 2 à 14 ans
»
http://www.lecrat.org/article.php3?id_article=140#

La revue Prescrire dans une revue de la littérature propose :
« Mieux vaut éviter de consommer régulièrement de l’alcool durant la grossesse, notamment autour de 2 mois à 4 mois de grossesse. Un verre de temps en temps n’est pas interdit. »

La consommation d’alcool au cours de la grossesse expose à une augmentation de la mortalité périnatale, à des risques malformatifs et des troubles divers. Un risque malformatif définitif et irréversible pour l’enfant à naître, associant des malformations caractéristiques de la face avec retard de croissance et retard mental, est observé notamment quand il y consommation importante et régulière d’alcool (au-delà de 4 verres standard par jour ; un verre standard = 10 grammes d’alcool). Ce risque malformatif, dit syndrome d’alcoolisation fœtale, est d’autant plus élevé que la consommation d’alcool est importante. La répétition rapprochée d’épisodes de consommation importante d’alcool s’apparente à une consommation chronique.

Un risque de troubles cognitifs et comportementaux chez les enfants n’est apparent que pour des consommations régulières d’alcool à partir de 2 verres standard par jour.

La consommation d’alcool est particulièrement nocive pour l’enfant quand elle survient autour de 2 mois à 4 mois de grossesse, avec augmentation du risque de troubles comportementaux.

1 ou 2 épisodes de consommation alcoolique importante pendant les premiers mois de grossesse exposent à de faibles risques pour l’enfant.

En pratique, il est important d’informer des risques liés à la consommation d’alcool durant la grossesse, mais de manière nuancée, sans culpabiliser d’une éventuelle consommation minime d’alcool. Cette information répétée semble utile pour réduire la consommation des femmes qui ont une consommation à risque. En leur conseillant de ne pas dépasser 4 verres par semaine, et 2 verres en une occasion.

©Prescrire 1er novembre 2011

« Grossesse et alcool. Consommation minimale et irrégulière : peut-être sans risque » Rev Prescrire 2011; 31 (337) : 837-844. (pdf, réservé aux abonnés)

C’est ainsi que des professionnels de santé en oublient toute prudence. Dont une nutritionniste :
http://youtu.be/5XYmxkoZzk8
ou des obstétriciens : « Boire des quantités d’alcool faibles à modérées en début de grossesse n’entraîne pas d’effets secondaires neuropsychologiques chez les enfants à l’âge de 5 ans », conclut une étude publiée en ligne dans l’édition du 20 juin de l’ International Journal of Obstetrics and Gynecology (BJOG) [1].

Equipe de SAF Océan Indien

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« En particulier, les enfants nés de mères qui ont consommé entre une et 8 unités d’alcool par semaine ont des scores d’intelligence, d’attention et des fonctions exécutives équivalents aux mères qui se sont abstenues de boire. Ceci s’applique aussi aux femmes qui ont bu au moins 5 verres épisodiquement au début de la grossesse, principalement avant de réaliser qu’elles étaient enceintes », a indiqué le Dr Ulrik Schiøler Kesmodel (Département de gynécologie obstétrique, Hôpital universitaire d’Aarhus, Aarhus, Danemark), auteur principal de l’étude à l’édition internationale de Medscape.

Réponse du Dr Alain Fourmaintraux à l’Article du Dr Kesmodel.

Avec une consommation de 1 unité par jour, les effets sur le fœtus ont plus de probabilité d’être un TNDLA (troubles neurologiques du développement liés à l’alcool) plutôt qu’un SAF. Un TNDLA peut très bien ne se dévoiler qu’après 5 ans et se manifester par des troubles du comportement avec leurs conséquences sociales et judiciaires. Le bon test est donc le Wineland.
L’alcool est un agent tératogène et l’idée même d’essayer de lui trouver une dose minimale est gênante. Serait-il judicieux de rechercher la dose minimale efficace de la Thalidomide ?
En outre les mères et les enfants n’ont pas tous le même équipement génétique pour métaboliser l’alcool (ADH et ALDH), pour corriger les altérations de l’ADN ou les erreurs de méthylation (épigénétiques) de l’ADN dont l’alcool est désormais accusé.
Il n’y a pas de bon sens en matière d’alcool, tant la culture veut sauvegarder cette boisson. Le conseil de prudence doit demeurer : 9 mois 0 alcool. On doit rassurer la mère qui a peu bu pendant la grossesse, mais s’assurer que l’enfant sera correctement suivi et évalué.
Le combat actuel est de mettre en place en France des centres de référence de diagnostic, de soins, et de formation. Les US et surtout le Canada ont une avance considérable sur nous, surtout en ce qui concerne les conséquences pénales de l’alcoolisation fœtale.

PS. Pour ADH et les facteurs de confusion, voir l’article de S.J. Lewis Fetal alcohol exposure and IQ… Plos One november 2012/volume 7/issue 11/e49407

Ses propos sont renforcés par les nombreux articles qui recommandent la plus grande prudence. Avant d’y revenir le mois prochain, je vous livre un extrait repris par la Société Française d’Alcoologie :

Equipe de SAF Océan Indien

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L’ensemble de ces données montre que l’exposition à une quantité importante d’alcool pendant un seul jour à une période critique du développement cérébral modifie à l’adolescence certaines formes de plasticité synaptique hippocampique impliquées dans les processus d’apprentissage et de mémorisation. Ces résultats renforcent l’idée qu’une seule exposition à l’alcool, surtout pendant le développement, n’est pas sans conséquences dans la trajectoire de vie des individus. Mickael Naassila, PhD, (GRAP), JE 2462, Amiens.
http://www.sfalcoologie.asso.fr/page.php?action=detail&choix=abstract&id=50&menu=archive

Le meilleur conseil reste donc : pas d’alcool pendant la grossesse !
Ces résultats questionnent les recommandations internationales et françaises. D’après l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES) et pour les autorités françaises : « En vertu du principe de précaution, il est recommandé aux femmes enceintes de s’abstenir de toute consommation d’alcool dès le début de leur grossesse et pendant toute sa durée. Cette recommandation vaut pour toutes les occasions de consommation, qu’elles soient quotidiennes ou ponctuelles, même festives. »