A Madame Sonia MARTIN GAUTHIER
Responsable Communication à REUNISAF/DAT 974
Chargée de mission Recueil

Madame,

Vous sollicitez mon expertise dans le cadre d’une réflexion du DAT sur la question : « Pourquoi le corps médical (médecins et sages-femmes) n’informe-t-il pas systématiquement des dangers de l’alcool sur le fœtus ? »

Votre question, en l’absence d’enquête scientifiquement contrôlée et publiée, est ressentie comme un postulat accusateur. Vous avez peut-être raison, mais si une enquête a vraiment été faite, vous devez procurer aux personnes que vous interrogez, ou l’article ou sa référence.

Il me semble que les professionnels de la périnatalité (médecins, sages-femmes et autres), à La Réunion comme partout en France, ont un souci permanent d’information sur les risques que les toxiques font courir à la grossesse. Ils sont d’ailleurs tenus à une obligation d’information « loyale et claire » selon l’article 35 du code de déontologie médicale.

La question n’est-elle pas : «pourquoi les patientes n’entendent pas les recommandations des professionnels de la santé?» Peut-être qu’elles n’entendent pas plus le discours qu’elles ne voient le petit pictogramme sur les bouteilles ? Les recommandations sont-elles trop discrètes et trop diluées parmi les nombreuses informations délivrées (Trisomie 21, limites de l’échographie, hygiène de vie, surpoids et obésité, listériose, toxoplasmose, CMV, varicelle, rougeole, coqueluche…) ? Est-ce par manque de temps ou de conviction des professionnels que la recommandation d’abstinence pendant la grossesse serait insuffisante?

La recommandation pourrait aussi être découragée par certains articles « orientés » qui laissent à penser qu’une faible consommation n’est pas nocive ? Le message diffusé par ces articles rejoindraient-ils la conviction culturelle latente des médecins et des patientes selon lesquelles les faibles consommations n’ont pas conséquences ? Cette opinion est peut-être confortée par l’expérience personnelle des femmes ou celle de l’entourage, qui empêche d’établir un rapport entre de faibles consommations d’alcool et les troubles scolaires ou comportementaux. Les conséquences ne sont, en effet, pas toujours visibles à la naissance, et les liens de cause à effet pas évidents…

Enfin, il est probable que certaines femmes, en dépendance avec l’alcool, ne pourront appliquer aucun message de prudence. Elles ont surtout besoin d’un accompagnement le plus précoce possible.

C’est pourquoi, il est indispensable de poursuivre régulièrement les campagnes de prévention adressées à la population générale comme aux femmes en âge de procréer. Et ces messages devraient venir aussi d’autres bouches que celles des médecins ou des associations professionnelles, car dans notre société certains personnages médiatiques ont plus d’influence sur l’opinion que les « savants ».

Enfin, il faut savoir entendre les difficultés des familles, mais aussi des professionnels de la santé dans leur lutte contre l’alcoolisme. En espérant, avoir aidé à la réflexion concernant la problématique « alcool et grossesse ».

Docteur Thierry Maillard