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mercredi 9 septembre 2020 à 02:59

Le 9 septembre est la Journée mondiale de sensibilisation

Syndrome d’alcoolisation fœtale : le fléau n’épargne pas La Réunion

Comme chaque année depuis 1999, ce mercredi 9 septembre 2020 marque la Journée mondiale de sensibilisation au Syndrome d’alcoolisation fœtale (Saf). Une problématique qui concerne une naissance sur 1.000 en France et est responsable de troubles physiques et mentaux chez l’enfant à naître. Il s’agit d’une cause majeure d’échec scolaire et d’inadaptation sociale, de surcroît évitable. Les formes les plus graves peuvent résulter en un retard de croissance, des atteintes du système nerveux central ou des malformations. Bien que pionnière dans la lutte contre le Saf et bénéficiaire des seuls centres ressources et diagnostic de France, La Réunion n’est pas exempt de ce fléau.

La consommation d’alcool pendant la grossesse représente la première cause de handicap mental non génétique et d’inadaptation sociale de l’enfant en France. Boire de l’alcool pendant la grossesse est toxique pour le fœtus et peut entraîner diverses complications, dont le syndrome d’alcoolisation fœtale (Saf) est la forme la plus grave. Il touche 1 nouveau-né sur 1.000 en France.

“C’est exactement la même fréquence que la trisomie 21”, souligne Bérénice Doray, directrice du centre ressources ETCAF (Ensemble de troubles causés par l’alcoolisation fœtale) de La Réunion, le seul établissement du genre en France. “Ça va donner des enfants qui ont à la fois des signes physiques et des signes mentaux : des malformations, un visage particulier, des troubles de croissance, et des signes mentaux c’est-à-dire des problèmes neurologiques, de développement, d’apprentissage.”

Plus fréquents encore que le Saf, sont les Troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale (Tsaf), les formes incomplètes du syndrome, moins visibles mais tout aussi incommodants. Un nouveau-né sur 100 en France est atteint de ces troubles, soit plus que toutes les maladies génétiques réunies.

“Le Saf, c’est la partie émergée de l’iceberg”, schématise Bérénice Doray. “Ce sont des enfants qui vont avoir des manifestations tôt dans la vie, donc qui vont être repérés et pris en charge. Ils vont avoir de la kinésithérapie, de l’orthophonie, de la psychomotricité pour essayer de diminuer les conséquences. La grande difficulté c’est que la majorité des enfants qui ont été exposés à l’alcool in utero, ne vont pas avoir la forme complète. C’est pour cela qu’on parle de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale.”

La complexité de ces troubles réside spécifiquement dans le fait que les enfants en souffrant, pour la plupart, ne présentent pas de signes physiques distinctifs. Ils passent “inaperçus” mais vont avoir des difficultés sur le plan du développement, qui peuvent se révéler parfois tardivement.“C’est un enfant qui a mis du temps à parler, qui a des problèmes de concentration, à partir du CP ou CE1. Le risque, c’est véritablement l’échec scolaire pour ces enfants. On les retrouve à l’adolescence dans des situations compliquées, qui peuvent mener à la délinquance”, explique Bérénice Doray.

Syndrome d’alcoolisation fœtale : 275 bébés réunionnais concernés par an

Á La Réunion, on estime qu’au moins un enfant naît tous les deux jours naît avec un cerveau lésé par l’alcool consommé durant la grossesse et ce, bien que le département soit un modèle de lutte contre le fléau.

– La Réunion modèle du genre –

En plus d’avoir le seul centre ressources de France dédié à la cause, La Réunion possède également le seul centre de diagnostic au CHU. Plus l’identification des troubles se fait tardivement, plus les difficultés s’accumulent et plus il est difficile de faire progresser les enfants. Le centre de diagnostic revêt donc une importance capitale.

“Il existe depuis trois ans. On fait tout un bilan avec l’enfant sur quatre jours, il va avoir plein d’examens, d’abord pour voir s’il n’y a pas de malformation et un bilan neuro-psychologique. C’est une évaluation très précise et complète des points faibles et des points forts de l’enfant d’un point de vue cognitif. Ces tests vont nous mettre sur la voie d’une alcoolisation fœtale”, relate Bérénice Doray.

Lire aussi : Un plan d’action contre le syndrome d’alcoolisation fœtale

L’avance en diagnostic de La Réunion, explique le fait que ses chiffres soient un au-dessus de la moyenne française. Alors que le Saf concerne 1 naissance sur 100 à l’échelle nationale, il touche 1,2 enfant sur 100 à La Réunion.

Le centre ressources joue, lui, depuis plusieurs années un rôle majeur dans la formation des professionnels de santé et du médico-social à identifier les troubles neuro-développementaux chez un enfant. Or un enfant non-diagnostiqué ne figure évidemment pas les statistiques. “C’est un fléau à La Réunion, mais c’est un fléau également dans le reste de la France. Au moins à La Réunion, on a pris véritablement conscience de ça”, se félicite Bérénice Doray.

C’est d’ailleurs une ancienne sénatrice de La Réunion, Anne-Marie Payet, qui est à l’origine de l’amendement ayant amené à l’inscription de messages de prévention contre le syndrome d’alcoolisation fœtale sur l’ensemble des bouteilles d’alcool commercialisées en France.

– « Zéro alcool pendant la grossesse » –

Malgré tout le travail de prévention, de diagnostic et de soins entrepris sur l’île, le problème demeure. Plusieurs raisons à cela. Tout d’abord les origines de la consommation d’alcool chez la femme enceinte, qui sont parfois bien plus profondes qu’une soirée festive un peu top arrosée. Elle peut être lié à des difficultés psychologiques, dans le couple ou au travail.

D’autres consomment plusieurs mois après le début de leur grossesse simplement parce qu’elles ignoraient être enceintes. C’est justement au cours du premier trimestre de grossesse, quand se forment les organes du bébé, que la consommation d’alcool est la plus nocive et conduit aux formes les plus complètes du Saf.

Cependant, même au-delà de ces premières semaines, le danger persiste. “Tout verre est une prise de risque. Ce que l’on préconise, c’est zéro alcool pendant la grossesse. Ce n’est pas pour être moralisateur”, défend Bérénice Doray. “Un des mécanismes toxiques de l’alcool est de jouer sur l’expression de nos gènes. Pour fabriquer un cœur, des yeux, un cerveau, on a des gènes qui doivent s’allumer et s’éteindre au cours de la grossesse. Il y a comme un interrupteur, exactement comme pour une lumière. L’alcool va jouer sur cet interrupteur.”

L’alcool peut ainsi appuyer sur l’interrupteur alors que le gène aurait dû s’allumer, à un moment important pour la construction d’un organe. “Je dois allumer un gène à J30. Je consomme à J30 peut-être que le gène ne va pas s’allumer. J’aurais consommé exactement la même chose à J29 ou à J31, il n’y aura aucune conséquence. C’est un verre à un mauvais moment, sauf que le mauvais moment, on n’est pas fichu de le déterminer. Donc c’est une prise de risque”, insiste la professeur de génétique au CHU de La Réunion.

Surtout, le Saf n’est pas circonscrit à la consommation d’alcool chez la femme. L’alcool est toxique pour toutes les cellules, dont les cellules sexuelles : les ovules et les spermatozoïdes. Ce qui veut dire que la consommation d’alcool, même chez les hommes, n’est pas anodine.

“ partir du moment où on a un désir de grossesse, c’est important de contrôler son diabète, éviter certains médicaments, diminuer sa consommation de tabac… et vraiment arrêter l’alcool. Cette histoire n’est pas juste une histoire de bonne femme. Un bébé se fait à deux, s’élève à deux.”

Un message de la plus haute pertinence en cette journée mondiale désensibilisation.