Le Quotidien

La prévention du TSAF à La Réunion reconnue comme précuseure et innovante

Par François Benito

13 novembre 2020

 

Le trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale, provoqué par une exposition du fœtus à l’alcool durant la grossesse, reste un problème majeur à La Réunion puisque 1,2 bébé sur 1000 est touché. La politique sanitaire de prévention et de prise en charge locale, pionnière en France, vient d’être récompensé par le prestigieux prix de l’Anpaa.

L’exposition à l’alcool durant la grossesse reste un problème majeur à La Réunion. Localement 1,2 enfant qui nait sur 1000 présente un trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF). Un chiffre important qui pourtant ne représenterait que la partie émergée de l’iceberg. De nombreux enfants ne présentant pas de signes physiques apparents voient leur vie gravement impactée avec des troubles de l’attention et du comportement. Si on inclut l’ensemble de ces cas, on peut estimer que plus d’1 enfant sur 100 serait touché par un TSAF.

Face à ce fléau social, les professionnels de santé réunionnais ont vu leur mobilisation récompensée le 29 octobre dernier lors du congrès international d’addictologie Albatros à Paris. La politique de prévention et de diagnostic du TSAF à La Réunion a été décorée par un prix honorifique, celui de l’Anpaa (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie). ” A La Réunion, nous avons les seuls centres de ressource et de diagnostic sur le TSAF, indique Bérénice Doray, généticienne et responsable de ce centre ressource. Nous avons entrepris de sensibiliser les médecins, les infirmières et les enseignants sur ce problème. Et, désormais, les choses évoluent dans le bon sens et nous assistons à une vraie prise de conscience.” 

Une prise de conscience qui se traduit par un diagnostic plus précoce des cas de TSAF sur l’île. En deux ans, ce sont 200 enfants qui ont pu passer par les mains des soignants au CHU pour établir de manière formelle qu’ils souffrent de TSAF. Cette reconnaissance a ensuite déclenché une prise en charge et un accompagnement qui leur permet de suivre un parcours scolaire et de mieux s’insérer socialement. ” Le TSAF peut être considéré comme un handicap invisible. Par exemple, ce trouble provoque des problèmes de mémorisation à court terme. C’est en fonction du profil de chaque enfant, ses points forts et faibles, que nous indiquons des méthodes de scolarisation adaptées. “

Une prise de conscience

Une adaptation indispensable tant l’exposition prénatale à l’alcool peut avoir des conséquences graves sur les parcours de vie en favorisant notamment, outre les difficultés scolaires, les comportements antisociaux. D’après une étude canadienne, dans la population de jeunes incarcérés, 20 à 30% souffriraient d’un TSAF. Une réflexion est actuellement en cours pour lancer une étude comparable sur les détenus de Domenjod.

Si La Réunion est pionnière en matière de prévention et de prise en charge du TSAF, l’idée est désormais de consacrer davantage de moyens à cette question à l’échelle du pays. ” Nous avons ouvert la voie en France en bénéficiant d’un contexte sociétal et politique favorable à ce sujet localement. Mais il reste encore un long chemin à parcourir pour que les comportements évoluent autour de la consommation d’alcool pendant la grossesse.” Comme sur l’ensemble des questions liées aux addictions, les soignants à eux seuls ne pourront mener cette tâche à bien. Ce n’est qu’accompagnée de décisions politiques fortes et volontaires et d’un profond changement sociétal que la proportion de nouveau-nés atteints par un TSAF pourra durablement se réduire.

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